Gérard Larcher : « On est en train d’achever un quinquennat pour rien »

15 mars 2016

Gérard Larcher : « On est en train d’achever un quinquennat pour rien »

Avec la contestation de la loi sur le terrorisme et de la loi sur le travail, le pays a l’air à la merci de la moindre étincelle. Le sentez-vous inflammable ?

Je sens surtout qu’on est en train d’achever un quinquennat pour rien, où on termine avec plus de chômeurs, alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni, même l’Espagne ont des chômeurs en moins, alors qu’on n’aura pas gagné en compétitivité des entreprises, alors que le Front national est à 40 % dans trois régions, alors qu’en même temps on a une crise agricole ravageuse dans l’ensemble du pays. J’ai le -sentiment que François Hollande n’a plus d’autorité, qu’il n’a plus la confiance, et qu’il n’a même plus de majorité, et une partie de son électorat est dans la rue.

Le quinquennat peut-il tenir jusqu’au bout ?

C’est un quinquennat qui commence par un parjure : « J’inverserai la courbe du chômage en 2013. » 2013, ce n’est pas 2017. Et pour les Français, c’est une marque de tromperie. J’utilise le mot. C’est un sujet tellement essentiel.

1,2 million de personnes ont signé la pétition contre la loi travail, sous hashtag « on vaut mieux que ça ». Est-ce le pays réel ou le pays virtuel ?

C’est d’abord cette partie du pays, essentiellement de gauche, qui n’a plus confiance dans la gauche qu’il a choisie avec François Hollande. C’est peut-être la première fois que la gauche est confrontée à la gauche réelle du pays.

Vous allez vous rendre à Lampedusa. Craignez-vous de nouvelles vagues de migrants dans les prochaines semaines ?

La crise des migrants est la plus grave qu’a à gérer l’Europe depuis le traité de Rome. C’est à la fois un drame humain, c’est en même temps une situation politique à laquelle il faut apporter des réponses. On ne peut pas soutenir un accueil à jet continu de centaines de milliers de migrants. Je pense qu’il y a eu, pour paraphraser Jean-Marc Ayrault, un coup du coeur respectable de la chancelière, mais une erreur politique de la chancelière.

Non, il a dit que moralement et politiquement, elle avait raison.

Politiquement, elle a décidé seule. A quoi nous a-t-elle conduits ? A ce que progressivement toutes les frontières se ferment, que le grand hotspot de l’Europe aujourd’hui soit les îles grecques, ce qui est insoutenable pour la Grèce, et que nous n’ayons pas apporté de réponse.

Donc une tragédie majeure pour l’Europe qui est nulle et ne fait rien.

Non, elle n’est pas nulle. Il faut que l’Europe apporte des réponses, ça s’appelle d’abord la question de Schengen. Schengen a dysfonctionné, et la décision de la chancelière a mis un terme au traité de Dublin - qui stipule qu’un réfugié n’est éligible à l’asile que dans le premier pays européen où il met le pied - .

Quelle est la différence entre les Européens, qui font gérer par les Turcs leurs réfugiés, et Donald Trump, qui dit : « Je fais un mur » ?

C’est assez différent puisqu’il s’agit, à la différence de Donald Trump, de faire que le droit d’asile est un droit imprescriptible, et qu’il nous conduira à accueillir tous ceux qui relèvent de l’asile.

A partir de la Turquie ?

A partir de la Turquie, c’est la solution qui a été abordée et envisagée la -semaine dernière, qui fait l’objet d’un sommet -européen.

Vous l’approuvez ?

C’est en tous les cas une des solutions. Pour les Italiens aussi, si demain il y avait un gouvernement libyen d’unité nationale, - on pourrait - essayer de maîtriser des flux qui sont essentiellement économiques à partir de la Libye. C’est mieux que de voir des hommes ou des femmes se noyer dans la Méditerranée.

Faut-il en échange -accélérer l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ?

Sur l’adhésion à la Turquie, c’est l’ancien président du groupe d’amitié France-Turquie qui vous dit ça : ma réponse est non en l’état actuel, et je crois qu’il faut être clair sur le sujet. Ce qui n’empêche que nous pouvons avoir un renforcement de nos liens, travailler à la convergence d’un certain nombre de valeurs

Convergence de valeurs alors que le président Erdogan attaque la presse et la met au pas ?

C’est bien de ça que je parle. C’est pour ça qu’il n’est pas inutile d’ouvrir un certain nombre de chapitres - dans les négociations d’adhésion - .

Posté par upd59 à 07:30 - Commentaires […] - Permalien [#]